Tous ensemble, ça fait une belle voix

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Article publié avec permission – La Liberté.

Laëtitia KERMARREC
lkermarrec@la-liberte.mb.ca

Le chant choral au Manitoba français a sa source dans les paroisses. Aujourd’hui, le mouvement décline. Pourtant rien ne semble comparable « au partage et aux liens créés au sein d’une chorale », comme le soutient sœur Jeannine Vermette, pour qui la crise actuelle met en lumière « ces choses essentielles, comme la musique, l’amour, la vie… ».

Jeannine Vermette, native de Saint-Jean-Baptiste et membre des Sœurs des Saints-Noms de Jésus et de Marie, a 75 ans et un désir intact de partage. « Les chorales sont ma passion depuis toujours. Elles créent des liens forts et essentiels dans la communauté francophone. »

Une passion qui l’amène jusqu’à ce jour à diriger plusieurs chorales et à chanter avec Les Intrépides, sous la direction de Bruce Waldie. Chanteuse et directrice donc, mais aussi membre de l’Alliance chorale du Manitoba pour participer au développement culturel du chant choral francophone.

Avec son recul sur la question, sœur Vermette peut aisément observer une diminution progressive du nombre de chorales.  « Dans les années 1970, 1980 et même 1990, toutes les paroisses avaient leur propre chorale. Ce qui n’est plus le cas de nos jours. »

Une diminution qui a entraîné une baisse du nombre de choristes. « La plus grosse chorale aujourd’hui est celle de la paroisse des Saints-Martyrs-Canadiens, qui est passée de 40-50 membres à une trentaine de membres en l’espace d’une cinquantaine d’années. »

Pour Les Petits Intrépides, une chorale francophone pour enfants dont Jeannine Vermette a été la directrice dans les années 1990, le constat est identique. Le groupe a peu à peu perdu des membres, passant de 60 enfants dans les années 1980-1990 à une vingtaine aujourd’hui. À la fin des années 1990, la diminution de la participation des petits Franco-Manitobains était telle que « la chorale a même failli mourir, mais ça a repris grâce à l’implication des enfants des écoles d’immersion ».

Quelles sont donc les raisons de la perte d’intérêt en faveur du chant choral?

Sœur Vermette a son idée. « Avant, si on voulait chanter, pour la plupart il fallait aller à l’église pour faire partie d’une chorale. »  Seulement voilà : « il y a de moins en moins de monde à participer à la vie des paroisses ». La baisse de fréquentation des églises serait donc l’une des raisons. La population des fidèles est vieillissante. La source se tarit.

Or Jeannine Vermette est convaincue qu’une des forces du chant, c’est de permettre d’apprendre le catéchisme. « Chaque chant est une prière, comme un mantra. »  Et puis « ça aide à avoir moins peur de ce qui s’en vient ». Elle donne aussi des leçons de piano, de guitare, d’accordéon. Mais, à ses yeux, « rien n’est comparable au chant choral ».

Pour aller plus loin dans son argumentation, elle cite un des principes de saint Augustin qui l’anime : Chanter, c’est prier deux fois. Et accompagner, c’est prier trois fois.  Elle rit : « Les deux fois, c’est parce qu’on doit bien penser à nos paroles quand on chante. Les trois fois, c’est parce qu’on chante à plusieurs : la prière est plus forte. »

À son échelle, sœur Vermette cherche à préserver le chant choral francophone. Elle a par exemple commencé une chorale pour enfants et adolescents voilà trois ans, Le cœur vivant, sous la direction de Rachelle Bacquay. La passionnée a d’ailleurs toujours lancé des chorales partout où elle travaillait. Elle va aussi à la rencontre des gens pour leur demander s’ils sont intéressés à chanter dans une chorale.

Elle insiste encore sur l’importance de la dimension humaine. « Les choristes ont du bonheur ensemble. Ils créent des liens forts et apprécient les talents des uns et des autres. Et puis dans les chorales, on développe des amitiés durables. » À preuve, les anciens Petits Intrépides lui parlent avec plaisir lorsqu’ils la croisent au supermarché.

Forcément bien consciente des petites faiblesses humaines, Jeannine Vermette souligne aussi qu’il ne faut surtout pas avoir peur de se lancer. « Il ne faut pas forcément avoir une voix exceptionnelle pour faire partie d’une chorale. Il faut juste se rappeler que tous ensemble, ça fait une belle voix. »

photo : Marta Guerrero

Sœur Jeannine Vermette.

La Liberté, 2 au 8 septembre 2020